Les vignerons de Terres Secrètes ne peuvent plus se cacher


La cave du Mâconnais, au sud de la région Bourgogne, produit de bien jolis vins, sans faire valser les prix.

Du sommet des roches de Solutré, Vergisson et Sologny, le vignoble du Mâconnais plissé en d’infinis vallons dévoile ses couleurs d’aquarelle. Entre la Saône et la Grosne, les villages en pierre ocre ont la couleur de leur terroir argilo-calcaire. Cette Bourgogne de la Saône-et-Loire, parent pauvre de la Côte-d’Or et de l’Yonne, recèle dans le secret de ses monts une expression plus solaire du Chardonnay. Une typicité mise en valeur par l’alliance Nord-Sud, en mai 2015, de trois caves coopératives illustrant trois visages de la grande région viticole: La Chablisienne, porteuse du message minéral sur 1200 hectares, le Nuiton Beaunoy, plus petit, qui vinifie majoritairement du pinot noir, et les Terres Secrètes, à Prissé, deuxième plus gros acteur coopératif du Mâconnais -900 hectares.

Cette Union des vignerons associés des monts de Bourgogne (UVAMB) est née de la volonté de trois des cinq associés d’un précédent mariage, Blasons de Bourgogne, « aller plus loin dans l’intégration de leur structure, avec une stratégie commerciale commune », souligne Michel Barraud, son président, également à la tête de la cave de Prissé. Cette dernière s’illustre depuis plusieurs années par des moissons de médailles, servies par une politique de cuvées parcellaires, à travers les noms de communes et les lieux-dits de l’appellation régionale (macon-verzé-croix-jarrier, par exemple) et les climats de Saint-Véran, qui font l’objet d’une démarche de classement en premiers crus.

Sans oublier 6 hectares en Pouilly-fuissé, seigneur de la Bourgogne méridionale. « Cela est possible parce que les Terres Secrètes ont conservé les trois outils de vinification des trois caves locales qui ont fusionné en 1998. Ce n’est pas forcément le choix le plus rationnel à première vue, mais c’est celui de la qualité. Il nous permet de gérer des sélections fines au moment des vendanges », explique Michel Barraud, heureux aussi de continuer à faire vivre le très beau chai Art déco de 1929, à Verzé, consacré aux blancs de Mâcon, et celui en pierre du pays de Sologny, spécialisé dans les rouges -15% de la production, en AOC Mâcon pour les gamays, AOC Bourgogne pour les pinots.

La qualité plutôt que le rendement

La cave-vitrine et son caveau se trouvent à Prissé, au coeur du vignoble de Saint-Véran, dont Terres Secrètes est le principal opérateur -un tiers de la surface. Cette coopérative, qui a su convaincre ses adhérents de rechercher la qualité plutôt que les rendements, s’est engagée, il y a trois ans, dans le label Vignerons en développement durable, qui lui impose des normes économiques, sociales et environnementales, parmi lesquelles les labours et les rangs enherbés, pour limiter le recours aux produits chimiques.

Dans le paysage chahuté, la vigne courbée en jolies arcures, taille spécifique à la région, joue à cache-cache avec les collines, les vallons et les bosquets. « Je peux le dire sans chauvinisme, n’étant pas d’ici que c’est le plus bel endroit de la Bourgogne! », affirme Damien Leclerc, le directeur de l’UVAMB et de La Chablisienne. Une nature tourmentée par la géologie, mise en culture par les moines-vignerons de Cluny et de Tournus et célébrée par l’enfant du pays, Alphonse de Lamartine, autrefois propriétaire de deux domaines. L’effondrement de la plaine de la Saône a fait émerger les majestueuses roches, dont Solutré, si chère à François Mitterrand, visiteur imprégné de l’esprit clunisien et poétique des lieux.

Le vignoble a hérité du chaos une grande diversité d’orientations et une large palette de sols, du plus argileux au plus calcaire. Les cuvées des Terres Secrètes reflètent cette richesse, avec des mâcons gras et fruités sur Prissé (7,60 €), tendus sur Milly-Lamartine (7,60 euros, et pour chaque bouteille vendue 1,50 euro est reversé à la Fondation de France, en faveur de la restauration de l’église du village). En saint-véran, les climats pierreux de Croix-Montceau (9,90 euros) et, plus encore, des Cras (11,90 euros) donnent des vins vifs et parfumés. Tous ces blancs élevés plus d’un an sur lies fines sont élaborés pour vieillir un peu, pas pour finir en primeur sur un coin de comptoir.

Article du 18/12/2016 – par L’express.fr