La Fédération des caves coopératives Bourgogne-Jura (FCCBJ) a choisi de prendre à bras le corps la problématique de la transmission chez les vignerons coopérateurs. Le 24 mars à Saint-Gengoux-de-Scissé, cédants et repreneurs ont bénéficié des conseils du Crédit agricole, du CerFrance 71, de la Safer 71 et de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire. Nul doute, le maître mot est « anticipation ». Il faut compter entre 5 et 10 ans pour optimiser une transmission, majoritairement familiale, même si une reprise par un tiers est aussi possible. Moult détails sont à régler en parallèle.
« Une génération va s’arrêter et on arrive au pied du mur ». Le président de la FCCBJ, Marc Sangoy sait de quoi il parle puisque la cave de Lugny, la cave coopérative qu’il préside, est à l’image du reste de la coopération bourguignonne et compte « 55 % de vignerons âgés de plus de 50 ans ». Et l’enjeu est beaucoup plus large que le seul renouvellement des viticulteurs. Adjoint à la mairie de Saint-Gengoux-de-Scissé, Stéphane Jaillet rappellait, en connaissance de cause, que « la viticulture est l’activité économique principale » sur les huit hameaux de la commune, laquelle compte encore 612 habitants, mais plus que « dix exploitations viticoles ». Le “voisinage” pourrait donc encore évoluer : l’agrandissement des exploitations nécessite plus de capitaux à mobiliser alors que les négociants cherchent de plus en plus à investir dans la production pour sécuriser à terme leurs approvisionnements. Pour garder le même nombre d’hectares engagés en leur sein et tenir les coûts de production, les coopératives proposent, elles, des « aides » à l’installation sous forme d’avances sur la première vendange, de parts sociales… Elles peuvent aussi se porter caution lors de l’achat du foncier…
Définir les objectifs
Pour Jean-Louis Moine, le directeur du secteur mâconnais au Crédit agricole, « la transmission doit s’anticiper, tout comme l’installation. Social, juridique, fiscal… L’important est de s’encadrer d’experts non cloisonnés », glissait-il. Mais « le financement reste le nerf de la guerre », ajoutait son collègue, Pierre-Yves Prothet, responsable du marché de l’agriculture au Crédit agricole Centre-Est et en charge justement de compléter les analyses produites dans les agences locales. Responsable du Répertoire départemental installation à la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, Gaël Pellenz expliquait qu’en viticulture, bien souvent, « le repreneur a moins besoin de capitaux qu’en élevage, car beaucoup de foncier est en location, mais le repreneur aura besoin de davantage de trésorerie les premières années ».
Dès lors, le Crédit agricole étudie la structure du projet dans son ensemble, notamment sa rentabilité et sa solidité financière. « On ne dit pas “non” à un projet, mais on amène plutôt à retravailler le plan de financement pour arriver à coller aux objectifs de revenu et de disponible d’EBE, l’excédent brut d’exploitation », expliquaient les responsables de la banque.
Préserver les grands équilibres
Le directeur de la Safer de Saône-et-Loire, Emmanuel Cordier, constate, lui, que le marché des vins étant « porteur » et permettant de dégager des revenus, « la tendance est plutôt à des transmissions familiales ». L’an dernier, 249 hectares de vignes se sont ainsi vendues en Saône-et-Loire pour un total de 255 transactions, dont 118 sur biens libres à hauteur de 94 hectares. Bon an, mal an, « moins de cinq grosses entités par an » se présentent à la vente. Côté prix, la profession en Saône-et-Loire « veut que le prix du foncier reste corrélé à sa rentabilité, finançable et rentable ». Président de la Safer, Bernard Lacour faisait savoir à ce titre que « la Safer s’attache à ce que les vignes qui sont engagées à une coopérative puissent être attribuées en priorité à des coopérateurs pour que les outils et les filières ne soient pas bouleversés ». Une position saluée par le Crédit agricole Centre est comme la FCCBJ. Une décision emblématique puisque Saint-Gengoux-de-Scissé a été la toute première cave coopérative du département créée en 1926 « pour avoir du poids face aux négoces », rappelait Marc Sangoy.
Le reste de l’exploitation, hors foncier donc, peut rentrer dans le cadre du pacte Dutreil, permettant de « dégrever jusqu’à 75 % » de la valeur fiscale. Bien que « très encadré » par l’administration , « le pacte Dutreil est juste miraculeux pour transmettre à ses héritiers, il faut juste anticiper ! », soulignaient les fiscalistes. Ainsi, pour un patrimoine d’un million d’€ par exemple, il serait possible de « faire tomber les droits dus à 28.194 €, avec une réduction encore, soit 14.097 € contre 212.962 € » au départ. Le « démembrement » de propriété peut également « réduire la valeur transmise ».