Article : Faire cohabiter les modèles coopératifs


 

Les liens sont presque rompus. Coop de France Bourgogne-Franche-Comté ne répond plus à la Fédération régionale des Caves coopératives. La situation est guère plus vivante avec l’échelon national. Fin 2016, la Fédération des Caves Coopératives Bourgogne-Jura (FCCBJ) a donc décidé de tirer la sonnette d’alarme. Les Caves dénoncent une remise en cause profonde du modèle coopératif. La question soulevée est primordiale : Est-ce (encore) les coopérateurs qui gouverne(ro)nt leurs outils ? Tous les coopérateurs de France sont donc concernés.

C’est une situation dans laquelle les 22 Caves coopératives, et leur Fédération, de Bourgogne-Jura (plus une cave du Beaujolais) se seraient bien passées. Mais, l’affaire est désormais sur la place publique suite à la parution d’articles.

Le point de départ remonte à 2014. Au national, la Confédération des Coopératives vinicoles de France (CCVF) organise un séminaire en vue de tracer les lignes politiques à l’horizon cinq ans. Faute d’avoir convaincu, le projet nationale est rejeté à l’unanimité. La CCVF ne doit pas rejoindre Coop de France. Le projet de fusion n’est pas entériné pour autant. L’histoire refait surface avec la réforme territoriale avec la loi NOTRe, la fusion des régions remettant alors le sujet sur la table. Cette fois, la fusion est adoptée. La CCVF va rejoindre Coop de France, qui deviendra alors le représentant unique de la coopération française, toutes productions confondues, viticulture et Caves comprises.

Deux gouttes qui font déborder 22 caves

Leurs craintes du départ vont cependant vite refaire surface. La Fédération des Caves Bourgogne-Jura en fait part à ses deux « réseaux » : en premier à Coop de France en région désormais et toujours à la CCVF. En mars 2016, la FCCBJ s’inquiète en interne auprès de sa Confédération des Coopératives Vinicoles de France (CCVF) : « des dossiers qui s’enlisent, un service dégradé, une relation floue avec Coop de France en pleine mutation, des discours très contradictoires au national et en régions, des dossiers sensibles pour l’avenir des caves relégués, l’altération du partage et de la concertation. Voyant que rien ne change malgré le temps et les alertes, constatant l’érosion de la défense syndicale et ne se retrouvant pas dans les orientations de la confédération ». Deuxième tentative via l’autre voie en juin 2016 au niveau régional. La Fédération des Caves coopératives Bourgogne-Jura s’adresse par courrier à Coop de France Bourgogne Franche-Comté » (CdF BFc) lui reprochant de ne toujours pas « assumer son rôle dans le monde des organisations professionnelles régionales. Et pourtant, la FCCBJ a œuvré pendant plus de dix ans aux côtés de la FDCA 71 pour construire une fédération inter-régionale rassemblant toutes les composantes de la coopération agricole des deux régions administratives. La coopération agricole n’est pas promue, représentée et défendue à la mesure du poids de ses entreprises dans leur environnement. La coopération Franc-Comtoise n’a toujours pas été approchée ». Toujours aucune réponse.

Dès lors, « à l’unanimité des 22 caves de Bourgogne-Jura » la Fédération décide de ne plus cotiser, ni au national, ni en région dans l’espoir de provoquer une réaction, une prise de conscience. Rien. « Cela doit vouloir dire qu’on a un peu raison », tente d’interpréter Marc Sangoy, véritablement peiné de cette « non réaction ».

Depuis, la Fédération des caves du Vaucluse a décidé, elle également, de quitter la CCVF. C’est d’ailleurs à cette occasion que le retrait de la FCCBJ a été rendu « public » par voie de presse…

Le modèle régional

En décembre 2016, une conférence de presse au national, « aux propos inconcevables » juge la Fédération des Caves Coopératives Bourgogne-Jura est la goutte de trop. Cette dernière dénonce « le risque d’une remise en cause profonde du modèle coopératif par l’échelon national ». La question soulevée est primordiale : Est-ce (encore) les coopérateurs qui gouverne(ro)nt leurs outils ?

Les Caves de Bourgogne-Jura refusent de s’asseoir sur deux principes fondamentaux : la gouvernance des coopératives et la rémunération en priorité des coopérateurs.

S’ensuit un communiqué de presse de la FCCBJ, peu relayé, qui prône « un autre modèle possible » que celui actuellement promu par le réseau national :

« Il existe une autre coopération agricole…

La coopération agricole a récemment fait l’objet de différents articles de presse prônant un modèle que nous n’approuvons pas.

Les caves coopératives de Bourgogne et du Jura apportent leur témoignage.

Nous vivons un entreprenariat collectif, produisons et élaborons dans nos vignobles, vendons nous-mêmes dans nos caveaux de proximité, commercialisons dans tous les circuits de distribution en France et dans le monde, par notre unique moyen : la coopérative.

La coopérative ne rougit pas d’avoir des taux de marge faibles, au contraire, elle en est fière. Cela veut dire qu’elle remplit pleinement son rôle, et que la rémunération des vignerons reste l’objectif primordial.

Le métier de vigneron coopérateur, c’est être viticulteur, chef de son entreprise, apporteur de capital et de produits, patron de sa coopérative. Il n’y a que peu de distance entre la cour de son exploitation, le chai et les équipes de sa cave. C’est le secret d’une relation qui dure.

Nous sommes acteurs de la vie rurale, créateur de valeur dans nos vignobles, inventeurs des circuits courts, séduisants et dynamiques. Nous sommes des coopératives agricoles ».

Heureusement, « dans le département, nous avons l’habitude de travailler ensemble, avec les autres coopératives agricoles, et cela se passe bien », précise Marc Sangoy.

A chaque coopérateur néanmoins de saisir la balle au bond pour enrichir le débat qui est maintenant lancé sur la place publique…

Cedric MICHELIN – Exploitant agricole 71 du 10.02.2017